7e Régiment de Chasseurs

Conception et construction de la Citadelle d’Arras

vendredi 18 mars 2005 par Colonel (er) Lucien Suchet

Vauban et la citadelle de Lille

La mort de Philippe IV roi d’Espagne, ouvre en 1667 des droits de succession aux Pays-Bas à sa fille Marie-Thérèse. Celle-ci, épouse de Louis XIV, fait valoir ses droits contre ceux de Charles II, fils d’un deuxième lit du roi d’Espagne. Il en découle un conflit entre les deux parties et la guerre de Dévolution. Les troupes françaises entrent en Flandre et s’emparent de Lille où le roi, comme dans toutes les places aux frontières du royaume, ordonne la construction d’une citadelle. Le chevalier de Clerville, protégé de Colbert, est chargé du projet.

Depuis 1661, année de la mort de Mazarin et de la disgrâce de Fouquet, la charge des fortifications se partage entre Colbert et Le Tellier, dont le fils, marquis de Louvois, prend la suite en 1666. Ce partage de responsabilité des forteresses dure jusqu’en 1691. C’est une mauvaise formule, nuisible au service et source de rivalités entre les ingénieurs. Pour ne rien arranger, le roi marque sa préférence à Louvois et à ses ingénieurs, ce qui n’apaise pas les conflits et explique en partie que le projet de Clerville pour Lille soit rejeté par Louis XIV. Louvois s’en trouve alors chargé et fait adopter le projet du jeune ingénieur Vauban, dont le roi a déjà apprécié l’habileté aux sièges de Tournai, Douai et Lille.

Louis XIV choisit le projet de Vauban pour Arras

Louis XIV veut aussi une citadelle à Arras, non pas pour défendre la frontière, mais, dit-on, pour mieux maîtriser cette ville sensible aux sirènes espagnoles. Il en confie le projet à Clerville, d’Aspremont et Vauban.

Vauban conçoit d’abord une citadelle sur une hauteur, entre les portes Saint Michel et Saint Nicolas, derrière le couvent des Dominicains, maintenant maison d’arrêt. De là elle commanderait la ville et dominerait le cours de la Scarpe. Mais Il faudrait inclure dans son enceinte la majeure partie de la Grande Place. Le magistrat d’Arras s’y oppose. En outre, l’alimentation en eau pour inonder les fossés en cas de siège, est mal assurée. Ce projet, bien que meilleur pour la position, est abandonné. Vauban choisit alors l’emplacement entre les portes d’Hagerue et d’Amiens. Les deux bastions de la couronne défendent mal en effet la ville entre ces deux portes. Deux ruisseaux, le Crinchon [1] venant d’Achicourt et celui des Hautes Fontaines [2] venant de Dainville, permettraient l’alimentation des fossés. Cette solution d’une citadelle formant équerre avec la ville et la Cité plaît au roi et les travaux sont immédiatement entrepris.

Le terrain retenu pour la citadelle est soumis à deux juridictions, celle des Hées et celle des Vignes. Quelques bâtiments se trouvent dans la zone retenue. Ils provoquent réclamations et demandes d’indemnisation des propriétaires, que le marquis de Louvois s’empresse de rassurer, avec l’aide du magistrat d’Arras. Pour la maîtrise des eaux, Vauban tire deux parallèles, la première jusqu’au couvent des Clarisses, l’autre jusqu’à la tour dite de Bourgogne en face de l’église Saint Etienne. Il s’agit ensuite de niveler le terrain. Pour activer les travaux les soldats aident les ouvriers. Louis XIV double la garnison d’Arras pour cette raison. Un grand nombre de tentes sont dressées sur l’esplanade pour abriter les ouvriers et les soldats.

Chargé de mission en Flandre, Vauban contrôle les travaux d’Arras

Le 21 août 1668, le plan de la citadelle est tracé et les travaux sont mis en route. Le maréchal de Vauban est alors envoyé en Flandre par le roi pour examiner les places fortes octroyées à la France par la paix des Pyrénées. Vauban charge l’officier Marillon de continuer les constructions, tandis que le roi a déjà désigné d’Aspremont et l’ingénieur de Barles pour exécuter les travaux, avec « prière à Vauban de les surveiller ». On le voit, rien n’est simple et des erreurs sont commises. Selon le traité de fortification de Noizet de Saint-Paul, « le front de la citadelle où se trouve la fausse braye, n’a pas été conduit par Vauban. On aperçoit une grande différence entre les fronts de cette place. La main qui a manié les deux fronts de la hauteur n’a sûrement pas touché aux trois autres, si imparfaits qu’on peut assurer que celui qui les a dirigés n’était point ingénieur ». Le 27 novembre 1670, Vauban est chargé de la poursuite des travaux. 180 000 livres y sont affectés en 1671. Louvois fait une inspection le 21 décembre de la même année. L’achèvement de la citadelle en 1672 donne lieu à une cérémonie fastueuse, dont le souvenir est gardé par l’inscription gravée en lettres d’or sur marbre bleu au-dessus de la porte royale :

Ludovicus Magnus Galliarum et Navarrae rex
Atrebatum paternae simul ac suae gloriae insigne
Monumentum, paternis annis gallici juris factum,
Suis servatum, pulso ac deleto ingenti victoria obsidentium
Hispanorum execitu urbis ad extrema redactae jam jam
Potituro, quo tutius ad omnes casus esset, hujus arcis
Magnis expensis extructae proesidio firmavit anno MVICLXX
.

Le premier gouverneur, Monsieur d’Aspremont

Dans l’Historique du Corps du Génie chapitre VIII, on relève, selon M. Allent, que le premier gouverneur de la citadelle est Monsieur d’Aspremont. « Entré en service la même année que Vauban, voué comme lui à la conduite des sièges, et comme lui couvert de blessures reçues à la tranchée, d’Aspremont venait exécuter les projets de son émule, quittait une compagnie des gardes pour le métier d’ingénieur, passait ensuite d’Ath à Arras, et recevait pour prix de ses services le gouvernement de la citadelle, de Barles en conduisant les ouvrages, La Loude remplaçait à Ath [3] M. d’Aspremont. »

Synthèse du Colonel SUCHET d’après des archives et la NOTICE HISTORIQUE DE LA CITADELLE D’ARRAS d’Adolphe CARDEVACQUE en 1873

[1] La source du Crinchon se situe à 8 km d’Arras, au hameau de Brétancourt, commune de Rivière. Ses eaux, autrefois assez abondantes étaient renforcées par d’autres fontaines, entre Rivière et Wailly. Pour le service de la place et de la ville, Louis XIV fit chercher et enfermer la source dans un bassin entouré de murailles, toujours existant aujourd’hui.

[2] Le ruisseau des Hautes fontaines rassemblait l’eau des sources situées dans le fossé de l’ancien pont, sous la porte de secours. Il serpentait le long du glacis du chemin couvert de la contre-garde du bastion 152. Il entrait en ville par un canal parallèle au jardin du Gouverneur pour finir dans le Crinchon au pont Saint Fiacre. Autrefois, le ruisseau des Hautes fontaines recevait à son entrée en ville le ruisseau Saint Fiacre, formé par les eaux venant de Dainville, Berneville, etc. Il pouvait fournir un volume d’eau important.

[3] Ath, ville maintenant en Belgique, dans le Hainaut.


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