Les 7 du 7 ou les Chasseurs de Jérôme
Légende, quand tu nous tiens ! C’était il y a bien longtemps, vers la fin de l’an de grâce 1965. Sept Maréchaux des Logis du tout jeune 7ème Régiment de Chasseurs, grands, forts, beaux, élégants et sportifs se préparaient à subir les épreuves du Certificat Interarmes, le redoutable C.I.A., obstacle incontournable en vue de l’accession à l’échelle de solde n° 3.
Il y avait Claude surnommé "Jean" (il se reconnaîtra), Félicien dit "Félix" BETHENCOURT, Michel ANIQUET, Sylvain LLORCA, BRODZIAK (PdL), ARQUEMBOURG (PdL) et votre serviteur.
Le Régiment avait mis le paquet ! Les meilleurs instructeurs s’étaient occupé de nous, ce n’est rien de le dire ! Sous la houlette de l’énergique Chef VIGNEUX les épreuves sportives, l’E.P.S. et le parcours du combattant n’étaient plus que des amusements de gamins pour nous. Notre mentor (il se reconnaîtra lui aussi) nous avait mené la vie dure, le T.T.A. 168 avait été étudié, assimilé avec toutes ses subtilités. De plus, il avait tout particulièrement soigné la préparation aux épreuves pratiques, tir, natation, combat, ordre serré et surtout la redoutable marche chronométrée avec sac à dos et arme.
Nous avions, sans exception, eu droit à tous les noms d’oiseaux au vu des résultats des premières tentatives pédestres sur la route de Mont Saint Éloi. Pas bête, "l’Ancien" nous testait à notre insu sur dix kilomètres et exigeait les résultats de huit ! Il nous l’avoua beaucoup plus tard, après la victoire, il doit encore en rire. Nous avions tenu des temps record autour de l’aérodrome de Bondues, les biffins en étaient sidérés. Les cavaliers avaient des ailes !
La période groupée s’était déroulée sans histoire à la citadelle de Lille, au « 43 ». Avec nous, le Bois de Boulogne connut une animation supplémentaire, de jour comme de nuit.
Puis ce fut le stage régional au Camp de Sissonne, occasion entre autres de déguster un lièvre qui avait eu la malencontreuse idée d’affronter le 7ème de Chasseurs en rase campagne. Lors de l’épreuve de combat antichars nous eûmes la chance de retrouver des amis blindés d’Arras au plastron, cela mit du beurre dans les épinards. Merci les copains !
Le grand jour arriva. La Commission Régionale d’Examen siégeait en grande tenue, dans un décorum digne des plus belles cérémonies militaires. "Ils" s’étaient mis en frais.
Tout à coup un murmure courut dans les rangs des candidats, les premiers présentés sortaient l’air affolé. Que se passait-il donc ? Malheur ! Les examinateurs s’intéressaient de près à l’historique des unités, au nom de tradition des régiments, les questions se faisaient précises quant à nos origines.
D’où sortions-nous ? "Jean", "Félix" et Michel arrivaient en ligne droite de Saumur, Sylvain venait du 16ème de Dragons, les deux appelés sortaient du civil et moi je venais de rengager après être passé chez les Spahis. Aucun d’entre nous n’avait encore eu le temps d’apprendre l’histoire du 7ème de Chasseurs, de si récente création.
Heureusement, l’épopée napoléonienne était au programme des examens de culture générale. L’histoire de la Grande Armée nous était familière et l’Empereur Napoléon 1er avait une famille nombreuse. C’était notre chance ! Après une rapide concertation, cela fut décidé. Si le "43" était bien le Royal des Vaisseaux, le "39" et le "67" portaient les couleurs de Languedoc et Beaujolais, les artilleurs étaient de La Fère et les coloniaux du Tonkin, que serions-nous ? Il ne fallait pas se laisser démonter ! Vive l’Empereur ! En avant - vant !
C’est ainsi que sept Maréchaux des Logis, grands, forts, beaux, élégants et sportifs portèrent haut et fier les insignes et appellations des "Chasseurs de Jérôme" face à l’aréopage galonné qui siégeait magistralement. Quelques sourcils curieux et dubitatifs se haussèrent, se firent interrogateurs, vite rassurés et renseignés par nos soins. Jérôme, éphémère roi de Westphalie, frère cadet de l’Empereur, insouciant, friand de plaisirs, coureur de jupons, téméraire et courageux, ça nous allait bien comme "patron". C’était pour la bonne cause, Saint Georges nous protégea sans nul doute, qu’il en soit remercié ici et ailleurs.
Bien que triomphants, brandissant le parchemin chèrement conquis, C.I.A. en poche et bien classés, nous n’étions quand même pas trop vaillants devant notre Chef de Corps, au retour. Avait-il eu vent de l’affaire ? Aucun de nous ne s’attarda en détails après les félicitations d’usage, il n’y avait pas eu de fuite. Aucun cadre du Régiment ne faisait partie de la Commission Régionale d’Examen, personne n’avait "vendu la mèche".
"Jérôme" a-t-il eu vent de cette usurpation, j’en doute. En tout cas je pense qu’il y a eu prescription depuis. Quelle aventure !
Il faut préciser que le Chef de Corps du 7ème Régiment de Chasseurs, à l’époque, était le Colonel LEVESQUE et que son prénom était, vous l’avez deviné, « Jérôme ». Gonflés, non ?