7e Régiment de Chasseurs

La présence militaire dans le Pas-de-Calais et principalement à ARRAS

lundi 3 mars 2003 par Colonel (er) Lucien Suchet

La circulaire n°5285 du 25 mars 1886, sous le timbre du Général directeur du Génie, énonce une décision du Général BOULANGER, ministre de la Guerre :

" Mon attention a été appelée sur les inconvénients qui peuvent résulter en temps de mobilisation, des appellations vagues et quelquefois même contraire aux usages des localités, sous lesquelles certains forts ou casernes sont désignés dans les documents officiels. Afin de me permettre d’apprécier ces inconvénients dans chaque cas particuliers et d’y obvier partout où cela peut être utile, je vous prie de vouloir bien faire dresser dans chacune des places de votre Région, un état de tous les établissements militaires conforme au modèle ci-dessous (non joint). A la suite de cet état on mentionnera, en aussi grand nombre que possible, les noms parmi lesquels il conviendrait de choisir pour remplacer les anciennes dénominations : nom d’hommes de guerre originaires de la place ou s’y étant illustré, noms de faits d’armes ayant eu lieu dans les environs, etc. "

Avant la guerre de 1914, le service militaire de trois ans a maintenu le maximum des effectifs dans les quartiers et casernes. A l’époque, le 1er Corps d’Armée du futur Maréchal FRANCHET d’ESPEREY, est cantonné dans le Nord et le Pas-de-Calais. Il comporte une division d’infanterie par département, une brigade de cavalerie en majeure partie dans le Pas-de-Calais, une brigade d’artillerie en grande partie dans le Nord, des unités du Génie, de Gendarmerie, de l’Intendance, des services de Santé et du Recrutement.

Les garnisons du Pas-de-Calais sont alors réparties ainsi :

- ARRAS : les 33e Régiment d’Infanterie et 3e Régiment du Génie, un siège de Subdivision.
- BETHUNE : le 73e Régiment d’Infanterie, un siège de Subdivision.
- AIRE SUR LA LYS : un escadron du 21e Régiment de Dragons remplacé en avril 1914 par un groupe du 27e Régiment d’Artillerie, un Bataillon du 73e Régiment d’Infanterie.
- SAINT-OMER : le 8e Régiment d’Infanterie, le 27e Régiment d’Artillerie à la place du 21e de Dragons parti à NOYON, un siège de Subdivision.
- CALAIS : un Bataillon du 8e Régiment d’Infanterie, des batteries du 1er Régiment d’Artillerie à pied.
- BOULOGNE : idem CALAIS.
- HESDIN : un escadron du 6e Régiment de Chasseurs à cheval de LILLE, un Bataillon du 73e Régiment d’Infanterie.
- MONTREUIL : une école militaire préparatoire d’enfants de troupe.

L’implantation militaire à ARRAS est réalisée sur 4 sites, Turenne, Schramm, Levis et Montesquiou. Voici l’origine des dénominations :

Le quartier TURENNE... en août 1654, Turenne rappelé de nos frontières de l’est délivre Arras des Espagnols emmenés par Condé. La fête d’Arras a d’ailleurs été placée fin août pour cette raison. Pour cette raison aussi la citadelle porte le nom du vainqueur d’une bataille décisive pour le royaume. Henri de la Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, Maréchal de France, est l’un des plus grands noms de notre histoire. Arras peut être fière de porter un tel nom dans son patrimoine. Quant à la citadelle, sa construction fut décidée pendant le séjour de Louis XIV à Arras en 1667, afin de compléter la défense de l’Artois, mais aussi pour se garder des Arrageois, estimés trop proches de coeur des Espagnols. Pour réaliser l’ouvrage, VAUBAN proposa un plan entre les portes St Michel et St Nicolas et un autre plan, celui qui fut retenu, entre les portes d’Amiens et d’Hagerue. Ce 2è plan avait l’inconvénient de faire une citadelle sur un site presque totalement dominé mais il offrait une excellente possibilité de mise en eau et ne portait pas atteinte aux abords de la Grand-Place comme le 1er plan. Placée en équerre entre la Cité et la ville, la « Belle Inutile », bel exemple de dissuasion avant l’heure, n’est pas intervenue dans le cadre de sa destination première, mais pouvait contrer si nécessaire toute remise en cause du statu quo par les populations locales. Rappelons que le doute concernant le loyalisme de la population avait amené Louis XIV à mettre en place un gouverneur militaire d’Arras assisté d’un lieutenant du roi, et à partir de 1678 un gouverneur particulier de la citadelle.

La caserne SCHRAMM... l’ancienne caserne des arbalétriers porte le nom de deux généraux, père et fils, acteurs des campagnes de la Révolution et de l’Empire et plus particulièrement du fils, Jean-Paul Adam né à Arras le 1er décembre 1789. Sa carrière est à peine croyable. A 10 ans il sert comme caporal, 2 mois plus tard il est sergent, à 11 ans sous-lieutenant à titre provisoire, lieutenant à 16 ans puis capitaine à 20, chef de bataillon à 22, colonel à 23 ans, Général de brigade avant ses 24 ans ! qui dit mieux ? Il est à Austerlitz, Essling, Wagram, Dantzig, Espagne, la Moskova, la Saxe. Il est fait baron à Lutzen. En retraite sous la Restauration, il y commande cependant durant 3 mois le camp de Saint-Omer. Général de division à 43 ans, député, pair de France, il combat en Algérie, y assure le gouvernement intérimaire. Il est nommé comte. En 1850 il est ministre de la Guerre pour 3 mois. Sénateur en 1852, il fait partie du conseil de guerre chargé de juger Bazaine. Il décéde à Paris à 95 ans en 1884. Belle carrière !

La caserne LEVIS... d’abord nommée HERONVAL, est construite peu avant la Révolution à l’emplacement du lycée technique actuel. François Gaston de LEVIS, héros malheureux du Canada, Colonel à 26 ans, Général de brigade à 36 ans, Maréchal de France à 63 ans, laisse une renommée de grand gouverneur d’Arras et d’Artois. L’église St Nicolas-en-Cité porte une plaque rappelant son souvenir. Seigneur d’Avesnes-le-Comte par échange de sa terre de Vélizy, il obtiendra le titre de duc en 1785 peu avant sa mort.

Une question m’est posée concernant un lien possible entre la caserne LEVIS et le lieu de stockage des matériels du 18e Chasseurs, régiment dérivé du 7e Chasseurs dans les années 80. Mes recherches amènent la réponse suivante :

- Le stockage des matériels du 18e Chasseurs était réalisé dans le seul bastion resté à peu près en état après le démantèlement des anciennes fortifications d’Arras. Nous l’appellions bastion 8, car le Centre mobilisateur n°8 y stockait son matériel dans les années 60. A la création du 7è Chasseurs en 1964 à Arras le chef de Bataillon VILLALONGUE commandait d’ailleurs encore le CM8.

- Historiquement les bastions d’Arras figurent sur la gravure publiée par Georges BRAUN en 1581. Le périmètre fortifié de la ville compte alors 3 bastions, celui de Bourgogne en bout de l’actuelle rue des Capucins, St Michel au centre du front oriental des murailles et le bastion St Nicolas barrant la direction de Cambrai. La Cité à cette époque n’a qu’un bastion, celui de Roeux, notre fameux bastion 8, que les Arrageois nomment le bastion des chouettes. Situé entre la porte Baudimont et la porte d’Amiens, il est visible à l’est du Boulevard Pdt Allende, au sud-est du boulevard G. Besnier. Il est aujourd’hui promenade aménagée, stand de tir des carabiniers d’artois, terrain militaire pour les bâtiments. On peut y accéder par la rue d’Amiens et la rue des carabiniers d’Artois qui rejoint la prison.

- Le parrain du bastion, le comte de ROEUX était gouverneur de l’Artois sous le règne de CHARLES-QUINT. Il meurt au siège de Thérouanne en 1553. On ne sait pas si le bastion fut nommé de son vivant ou à titre posthume.

- La caserne LEVIS, était située boulevard Carnot, entre la place Victor Hugo et la gare, où se trouve le Lycée technique aujourd’hui. Il n’y avait donc pas de continuité entre les deux sites, ni d’ailleurs entre la caserne Montesquiou, actuel lycée Baudimont, et le bastion.

La caserne MONTESQUIOU... ça n’est pas du roman. Pierre de MONTESQUIOU, comte d’ARTAGNAN, était cousin du héros d’Alexandre DUMAS. Il servit d’abord comme mousquetaire sous les ordres de son cousin avant d’entrer chez les gardes du Roi où il est nommé sous-lieutenant en 1667. En 1690, major général de l’infanterie sous les ordres du Maréchal de LUXEMBOURG à la bataille de Fleurus, il est l’artisan de la victoire, grâce à la qualité de son recrutement et de sa manoeuvre d’infanterie. En récompense des services rendus, louis XIV le nomme lieutenant général d’Artois et gouverneur d’Arras et de sa citadelle en 1693. Il organise à Arras le fameux régiment d’Artagnan équipé du fusil. Il sera nommé Maréchal de France en 1709... et non pas son cousin, décrit agonisant devant Maestricht par Dumas, alors qu’il n’était que maréchal de camp, nuance importante. Plus tard il commande aussi l’infanterie qui emporta la décision à Denain le 21 juillet 1712, sous les ordres de VILLARS. Il reste jusqu’en 1716 en Artois avant de gouverner la Bretagne et meurt en 1725 à l’âge de 80 ans... La caserne MONTESQUIOU était le petit séminaire, confisqué en 1905 par la loi de séparation de l’Église et de l’État, à l’emplacement du lycée Baudimont actuel. Elle abritait des éléments du 33e RI en 1914. Après 1918 le diocèse en acheta les ruines pour y réinstaller le petit séminaire et plus tard le centre scolaire.

Quelle histoire !


Suivre la vie du site fr  Suivre la vie du site Histoire et traditions   ?